17 ème Congrès international des musées d’agriculture. AIMA-AFMA

CIMA XVII a eu lieu au Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem ) à Marseille, les 5-7 novembre 2014.
Organisé en congrès triennal en relation avec AIMA Association international des musées d’agriculture .

Les Actes du Congrès (242 pages en couleurs ) sont disponibles auprès de l’AFMA, , au prix de : 26 euros France ; tarif Etranger , nous consulter )

Thématique du congrès : « Collections de l’agriculture : nouvelles dynamiques »

  • Thématique 1 : Les interactions entre les visiteurs de musées et les collections agricoles : réintroduire des repères utiles aux visiteurs.
  • Thématique 2 : Les principaux outils de connaissance des collections de musées agricoles.
  • Thématique 3 : A quels questionnements contemporains les collections agricoles peuvent-elles contribuer dans un renouveau muséal.

Contexte global de la conférence internationale (CIMA XVII )

L’approche du patrimoine agricole et plus largement rural est multiple selon les pays, les traditions muséographiques. Au Canada, le musée est un lieu où l’on ne sépare pas le passé du présent. On y découvre aussi bien l’agriculture d’hier que celle d’aujourd’hui, avec des activités agricoles ou d’élevage grandeur nature. En Europe, les musées d’ethnologie connaissent aujourd’hui une crise de fréquentation importante et nombre de collections de musées privés sont dispersées. Au moment où peu de rénovations de musées accordent une place à l’agriculture au sens large, le colloque 2014 de l’AIMA veut poser la question de la pertinence, de la représentativité et du rôle des collections agricoles dans les musées. La majorité des musées ethnographiques possède des collections liées à l’agriculture et à l’élevage. A l’exception des musées pour lesquels ces thématiques sont majeures – il existe de grands musées d’agriculture, identifiés comme tels dans un certain nombre de pays, mais pas en France -, ces collections sont généralement peu présentes dans les musées généralistes. En France, le musée des Arts et Métiers ou le Musée du Quai Branly-Jacques Chirac ne consacrent aucune de leurs présentations à l’agriculture ou à l’élevage. Ces collections s’accumulent dans des réserves et leur intégrité est menacée. Seul le Mucem, dans sa nouvelle Galerie de la Méditerranée accorde une place importante à l’agriculture.

Le point de vue sur les collections agricoles est différent selon les continents et les cultures, en raison notamment de l’importance variable des agricultures par rapport aux autres activités humaines. Les approches sur le patrimoine agricole sont immensément variées et ce sont les points communs ou au contraire les divergences sur ses modes de constitution et de restitution que le CIMA 17 veut mettre en lumière, où que l’on soit à travers le monde.

Le congrès de l’AIMA 2014 (CIMA 17 ) avait pour ambition d’effectuer un panorama des discours muséographiques que l’on fait dire aux collections d’agriculture avec au préalable une réflexion sur la nature des collections agricoles des musées. Certains objets sont-ils davantage représentés que d’autres ? Quels discours ces collections portent-elles à travers leur présentation muséographique ? De quelle mise en contexte historique ou géographique bénéficient ces collections ? Comment faire évoluer ces discours ? À quels questionnements actuels ces collections peuvent-elles répondre ? Quels liens le musée peut-il établir entre l’homme et son alimentation ?

Les questionnements classiques associés aux collections agricoles dans les musées

Il s’agit tout d’abord de recenser les présentations de collections agricoles les plus significatives et les musées adhérents de l’AIMA, ainsi que les autres, seront invités à présenter leurs collections, d’une manière qui reste à définir. Il s’agit notamment des cas suivants :

  • Le cas le plus classique est l’évocation de chaînes opératoires, à savoir les phases successives de transformation d’une matière première en un produit fini, du type du blé au pain, ou de la vigne au vin, à une époque indéterminée, avant la mécanisation.
  • Ces objets sont aussi présentés de façon typologique, jouant sur les variations morphologiques à partir d’une base commune, c’est le cas des araires, des faucilles…
  • Le rapport entre les musées d’ethnographie, de folklore ou de société avec les musées de machinisme agricole : les musées d’ethnographie font généralement peu de place à la mécanisation ou la motorisation, insistant sur le caractère « primitif » ou « archaïque » des outils présentés. Les musées du machinisme agricole sont spécialisés dans des typologies mécaniques (tracteurs, batteuses…).
  • Dans les musées de plein air ou les écomusées, la présentation « in situ » des collections permet une certaine mise en contexte par rapport à un patrimoine architectural qui reste la préoccupation première.
  • Certaines collections peuvent être associées à des manifestations festives touristiques, qui réintroduisent d’une façon évènementielle le facteur humain, comme les fêtes de moisson « à l’ancienne », les parcours de transhumance, les reconstitutions dans les musées de plein air ou les écomusées.

Les interactions entre les visiteurs de musées et les collections agricoles

Il faut bien constater que dans la plupart des pays, les visiteurs de musées ont un lien de plus en plus ténu avec le monde rural et il faut bien reconnaître que ces objets agricoles, au sens large, n’évoquent finalement plus rien, ni pour les visiteurs, ni même pour les conservateurs ou responsables des musées.

Certaines expériences sont conduites pour renouveler le discours muséographique associé aux collections agricoles. Certains musées introduisent des repères, qui correspondent à la curiosité et aux attentes des différents types de public, qu’ils soient chronologiques, géographiques, mais aussi historiques, sociaux et technologiques. On peut aboutir à une mise en perspective qui mène aux questionnements actuels de nos contemporains, tels que la suffisance alimentaire, l’approvisionnement en eau, la mondialisation, le développement durable des territoires mais aussi une dimension sociale, comme la juxtaposition de richesse et de pauvreté en milieu rural, l’agriculture familiale, le syndicalisme agricole, l’aménagement des territoires, les politiques locales ou nationales agricoles… Si le musée ne peut pas apporter des solutions à ces problèmes, il peut, sur le temps long, apporter des éléments historiques de contexte.

Les lacunes liées à la connaissance intrinsèque des collections agricoles

Il faut aussi reconnaître que la documentation de ces collections est le plus souvent lacunaire parce que les collecteurs considéraient leur utilisation évidente. La connaissance intrinsèque de ces objets est souvent faible : absence de datation précise, absence de connaissance des matériaux, absence de connaissance de l’utilisation concrète de ces objets (utilisation dans le cadre cultures vivrières ou commerciales…). Les éléments de contextualisation qui sont à la base de la connaissance des objets sont souvent partiels : clichés photographiques, films… alors que les moyens technologiques actuels de mise à disposition de l’information (sites Web, tablettes, téléphone portable…) n’ont jamais été aussi nombreux.

Le lien physique entre les collections anciennes des musées témoins de pratiques ancestrales disparues et le gigantisme du matériel actuel pose également problème dans la manière d’évoquer, d’un point de vue muséographique, l’agriculture et l’élevage, depuis une soixantaine d’années. Le regard esthétique sur la beauté des matériaux et de la morphologie de ces objets ethnographiques devenus « archéologiques » est confronté à des objets agricoles actuels industrialisés où la trace de la main de l’homme a disparu et où la notion « esthétique » recherchée par les professionnels des musées, est également absente. La confrontation visuelle de ces deux types d’objets est souvent délicate. Un tel problème pose également le vaste problème de la collecte du contemporain dans les musées.

La muséographie et le discours associés aux collections les envisagent parfois sous un angle où les disciplines des sciences humaines ou historiques, mais aussi la nature des collections (archéologie, ethnographie, histoire naturelle, Beaux-Arts, art contemporain…) proposent des ouvertures, des interactions, des juxtapositions ou des oppositions, riches de sens.

Recréer une dynamique entre les collections agricoles et l’institution muséale aujourd’hui

Il nous faut également repenser notre relation au public : le musée n’est plus uniquement un lieu d’apprentissage ou de savoir, ni seulement un lieu de délectation (rare pour les musées d’agriculture) : le fond compte autant que la forme. Une présentation muséographique soignée, un éclairage adapté, un discours simple mais construit est devenu primordial pour les visiteurs.
On voit à quel point combien le regard sur les collections agricoles est complexe et polysémique. Ces journées de conférences se proposent de mettre au cœur de la réflexion les collections agricoles en elles-mêmes. Elles ont pour objectif de confronter les expériences des musées d’agriculture sur leurs propres collections et sur les éléments de discours que les responsables des musées souhaitent donner à voir et à comprendre à leurs visiteurs.

Plusieurs pays démarrent des collections et sont concernés par la méthodologie, les techniques de collecte, d’identification et de travail en réseaux internationaux (Algérie, Sénégal avec le projet d’un musée Peul…)

Plusieurs thèmes de discussion sont ainsi dégagés, la plupart sont communs à l’ensemble des musées d’agriculture. La confrontation d’expériences peut être riche d’enseignements et de réflexions pour l’ensemble des participants:

1 : Les interactions entre les visiteurs de musées et les collections agricoles : réintroduire des repères utiles aux visiteurs

Au-delà de l’approche ethnologique courante des collections de musées, il s’agit de réintroduire des repères utiles aux visiteurs :

  • approche historique : grands repères chronologiques (Néolithique, Antiquité, Révolution industrielle)
  • histoire sociale : agriculture familiale, révolutions et révoltes paysannes, syndicalisme
  • politiques agricoles : capitalisme et communisme, grands travaux (irrigation, drainage…)
  • évolution technologique : agriculture pré-mécanique, mécanisation, machinisme…
  • grands repères géographiques : différentes échelles de territoire
  • repères culturels (et certains dans les pays de l’Est n’hésitent plus à proposer des repères religieux )
  • attachement à une identité territoriale forte (état, région, village…) : l’Ecomusée d’Alsace, le musée écossais de Kittochside…

 

2 : Les principaux outils de connaissance des collections de musées agricoles

  • fonds documentaires, bibliothèques virtuelles, fonds filmiques et photographiques…
  • sites Web
  • animations et activités festives, conservation des savoir-faire…

Thématique 3 : A quels questionnements contemporains les collections agricoles peuvent-elles contribuer dans un renouveau muséal

  • agriculture mondialisée, échanges nord-sud…, protectionnisme ou libre-échange
  • développement durable : pratiques agricoles durables, maintien de savoir-faire…
  • maintien de populations sur les terres agricoles : agriculture familiale, vivrière, produits de terroir…
  • maintien de la biodiversité animale et végétale
  • autosuffisance alimentaire
  • sécurité alimentaire, éducation alimentaire, nutrition…
  • confrontations de collections de natures variées : archéologie, ethnographie, histoire naturelle, Beaux-Arts, art contemporain…
  • tendance de la diffusion de musée de filière en lien avec des entreprises ou des filières professionnelles
  • exemples de rénovation de musées, d’expositions temporaires, d’échanges de savoir-faire…

Hommage à François Sigaut

Au cours du Congrès, plusieurs ateliers et rencontres ont été organisés autour de l’œuvre du professeur François Sigaut, directeur d’études à l’EHESS et inspirateur de nombreux travaux de portée internationale sur l’histoire et l’ethnologie des techniques agricoles, fidèle participant à l’AIMA depuis 1976, puis son président en 2011-2012, aujourd’hui disparu. Il était l’un des meilleurs connaisseurs des musées d’agriculture et des pratiques agricoles du monde entier.

Contact et site internet consacré aux travaux de François Sigaut :

Le colloque se déroulant à Marseille au Mucem, un focus abordait le cas des musées européens et méditerranéens, ouverts aussi à d’autres zones où la muséographie est en extension telles l’Asie et à l’Afrique.

La Provence est une région riche en histoire mais aussi en productions agricoles très diversifiées, sous le climat méditerranéen. En complément aux thématiques du CIMA XVII, un voyage d’études post congrès a été organisé du 8 au 10 novembre dans cette belle région .Elle comprend un réseau dense en musées d’agriculture, en collections, moulins, et un intéressant patrimoine vivant végétal et animal et de nombreuses traditions de savoir-faire alimentaires.

 

Contexte du colloque en lien avec le Mucem

Le dernier CIMA qui s’est déroulé en France était organisé en 1984 (CIMA VII) dans les locaux de l’ancien Musée National des Arts et Traditions populaires – MNATP (Paris) et dans l’abbaye de Saint-Riquier (Somme), alors nouvelle antenne du musée, consacrée majoritairement aux collections agricoles.

1984 > 2014 : 30 ans !

Anniversaire du colloque accueilli par le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée – Mucem, héritier du MNATP. Inauguration du Mucem à Marseille en 2013 avec la section de la Galerie de la Méditerranée (bâtiment J4) consacrée à la « Création des agricultures, invention des dieux ».

Parallèlement, les collections agricoles ont fait l’objet d’un inventaire rétrospectif total et sont conservées dans un nouveau bâtiment spécialement conçu : le Centre de Conservation et de Ressources (CCR) près de la gare Saint-Charles à Marseille.

Présentation en 2014 dans le bâtiment J4 d’une exposition temporaire intitulée « Food », codirigée par l’ONG Art for the World (Genève) et le Mucem, sur le problème de l’accès à la nourriture, questionné au travers d’un choix d’œuvres contemporaines et des collections ethnographiques du Mucem.